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Rentrée scolaire : à Provins, l’uniforme prend une veste

Alors que plus de six parents sur dix s’y étaient dits favorables, très peu d’élèves portent la tenue que la mairie voulait rendre obligatoire en cette rentrée.

Par Vincent Mongaillard
Le 3 septembre 2019 à 05h58

Des tee-shirts à la gloire du drapeau américain, de Super Mario ou d'un drôle de dragon, des marinières, des chemisettes estivales… mais quasiment pas de polos bleus frappés de la devise « Liberté-Egalité-Fraternité » et de l'écusson de la cité médiévale. En ce lundi 2 septembre, jour de rentrée scolaire, les enfants des six écoles élémentaires de Provins (Seine-et-Marne) arborant l'uniforme ne courent pas les récrés.

En novembre dernier, la municipalité avait — après consultation des parents s'y déclarant favorables à 62 % — lancé, sous les feux des projecteurs, la tenue scolaire unique destinée aux quelque 700 élèves du CP au CM2. Une expérimentation sur la base du volontariat pour, selon la commune de 12 000 âmes, mettre les écoliers sur un pied d'égalité et lutter contre les discriminations. C'était une première dans l'Hexagone pour une école publique.

La ville avait alors reçu environ 300 commandes de trousseaux de dix pièces (pantalon ou jupe bleu marine, pull bleu ciel, polo…) vendus 137 euros aux familles.

« On ne va pas leur faire porter de force »
Dix mois plus tard, pour sa première rentrée officielle, l'uniforme fait un flop. Il a visiblement été laissé dans les placards : nous n'en avons recensé lundi qu'une poignée à l'école de la Ville-Haute et autant à celle des Coudoux. « Ils les ont mis, ils ne les mettent plus, on ne va pas leur faire porter de force », lâche une dame de la « sécurité école » en action au passage piéton.
« Je reste sur ma faim car c'est une belle aventure avec de belles valeurs républicaines », commente, « déçu », le maire (LR) Olivier Lavenka, qui souhaitait rendre obligatoire l'uniforme mais n'a pas obtenu les autorisations académiques.

« Pourquoi le ministre de l'Education, qui avait envoyé des signes positifs sur ce sujet, a refusé qu'on réforme le règlement intérieur des écoles ? », s'interroge-t-il. Fin 2017, Jean-Michel Blanquer avait déclaré qu'il ne « fallait pas obliger tout le monde à le porter » mais « permettre aux établissements qui le veulent de le développer ».

« On l'a laissé à la cave »
A Provins, les parents ne semblent plus emballés par la mesure. « Ils ont pris conscience que ça ne servait à rien. En plus, les habits ne sont pas de bonne qualité », tacle Cécilia, maman de Marc, qui use ses fonds de culotte en CM1. Elle n'était « pas d'accord, dès le départ » avec cette initiative. « C'est un moyen de soutirer de l'argent pour rien », juge-t-elle.

Claire, maman de Malone, en CE2, est également « contre ce retour en arrière ». « Je préfère mon style à moi », défend son fiston. Une mère de famille, qui tient à rester anonyme, nous explique avoir acheté l'année dernière « le déguisement ». « Je ne voulais pas être mal vue et me faire taper sur les doigts par la mairie. Mais au final, on l'a laissé à la cave », assure-t-elle.
Marie-Aline, qui a deux garçons en CP et CE2 n'est, elle, « ni contre ni pour ». « Mais comme personne ne l'a, je ne veux pas que mes gamins soient les seuls à l'adopter et qu'ils deviennent le spectacle de la récré », prévient-elle.

« On n'est que deux à l'avoir dans ma classe »
Charnel, 49 ans, dont deux enfants en CP et CM2 viennent de rejoindre les bancs de l'école de Provins, n'était pas au courant du dispositif. Mais sur le principe, il y voit des vertus. « Je suis pour que tout le monde porte l'uniforme, même au collège. Comme ça, plus personne ne se fera vanner pour ses vêtements », estime-t-il.

Valentina, 6 ans, est l'une des rares écolières à avoir enfilé le polo assorti à la jupe. « Il est joli, on n'est que deux à l'avoir dans ma classe », décrit-elle. « Elle est contente.

Pour elle, c'est un jeu », souligne sa maman Natacha. « Avec l'uniforme, il n'y a pas de différence sociale, pas de marque apparente », applaudit-elle.

La ville de François Baroin « travaille » sur la question
A Troyes (Aube), le port de l'uniforme dans les 35 écoles publiques de la ville dirigée par François Baroin (LR) est actuellement en débat.

Avant les grandes vacances, un courrier a été adressé à 3600 familles dans le cadre d'une première consultation. A partir de « mi-septembre », la municipalité va commencer à « travailler » sur cette question pour une éventuelle entrée en vigueur lors de la rentrée de septembre 2020.

Jusqu'à présent, le port de la tenue unique en classe n'a pas vraiment fait école en France, qui n'a pas suivi l'exemple de la Grande-Bretagne. Dans le public, seuls les lycées militaires, des établissements d'Outre-Mer, en particulier en Martinique (écoles, collèges et lycées), la Maison d'éducation de la Légion d'honneur ou encore l'internat d'excellence de Sourdun (Seine-et-Marne) l'ont adopté et ce, de manière obligatoire.

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